Les figures majeures du barreau français : cinq grands noms, cinq styles de pouvoir
Le barreau français, souvent perçu comme l’un des plus prestigieux d’Europe, demeure traversé par des sensibilités, des stratégies et des ambitions très différentes. Derrière la robe noire, il existe mille manières de servir la justice : plaider, défendre, négocier, influencer. Certains sont des techniciens du droit, d’autres des figures médiatiques, d’autres encore des stratèges du pouvoir. Cinq noms dominent aujourd’hui la scène juridique, chacun représentant une facette du rôle de l’avocat dans la France contemporaine.
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Le barreau français, souvent perçu comme l’un des plus prestigieux d’Europe, demeure traversé par des sensibilités, des stratégies et des ambitions très différentes. Derrière la robe noire, il existe mille manières de servir la justice : plaider, défendre, négocier, influencer. Certains sont des techniciens du droit, d’autres des figures médiatiques, d’autres encore des stratèges du pouvoir. Cinq noms dominent aujourd’hui la scène juridique, chacun représentant une facette du rôle de l’avocat dans la France contemporaine.
Félix de Belloy, la voix des libertés
Avocat pénaliste de renom, Félix de Belloy incarne la tradition humaniste du barreau. Il s’est illustré dans des dossiers sensibles : défense des anciens détenus de Guantanamo français, affaires de contrôles au faciès, et procès à forte portée symbolique. Chez lui, la plaidoirie n’est pas un exercice de style, mais un engagement. Ce catholique discret, formé à la rigueur intellectuelle, s’impose par sa capacité à faire entendre la complexité des causes les plus exposées. Son cabinet, réputé pour la qualité de son argumentation et son éthique, a fait de lui une référence en matière de défense des droits fondamentaux.
Francis Szpiner, le stratège médiatique
Francis Szpiner appartient à une autre école : celle des avocats pour qui la tribune médiatique est un prolongement de la plaidoirie. Défenseur d’hommes politiques, de chefs d’entreprise, de familles endeuillées par l’Histoire, il s’est construit une réputation d’homme de réseaux autant que de tribun. Ancien maire du 16ᵉ arrondissement de Paris, il navigue aisément entre droit, communication et politique. Son style est frontal, sa rhétorique puissante : il sait qu’aujourd’hui, une partie du procès se joue autant dans les prétoires que dans l’espace public.
Thierry Herzog, le confident du pouvoir
Proche de Nicolas Sarkozy, dont il fut l’avocat personnel, Thierry Herzog incarne la figure du conseiller politique devenu symbole d’une justice imbriquée dans les sphères du pouvoir. Son nom a traversé plusieurs dossiers retentissants — notamment celui des écoutes dites « Paul Bismuth » — qui ont contribué à faire de lui un personnage autant respecté que controversé. Avocat d’expérience et de fidélité, il représente cette part du barreau qui défend l’État autant qu’elle le conteste, et pour qui la justice est un art de la négociation autant que de la conviction.
Dominique Tricaud, l’internationaliste du barreau
Moins médiatique mais tout aussi respecté, Dominique Tricaud s’est imposé sur le terrain du droit international et de l’extradition. Il a défendu des figures de la dissidence et des personnalités poursuivies dans des contextes politiques tendus, de Julian Assange à des opposants africains. Sa vision du métier est celle d’un avocat sans frontières, où la plaidoirie devient un acte diplomatique. Pour lui, la défense est un espace où se joue la souveraineté du droit face aux intérêts géopolitiques. En ce sens, il incarne une forme rare d’indépendance dans un monde judiciaire de plus en plus sous pression.
Pierre Véron, l’ingénieur du droit
Figure respectée du contentieux économique et industriel, Pierre Véron est l’un des grands spécialistes français du droit des brevets et de la propriété intellectuelle. Fondateur d’un cabinet reconnu à l’échelle européenne, il a participé à la création d’un véritable « droit des technologies » à la française. Avocat d’affaires plus que plaideur, il représente une génération d’experts pour qui le droit est d’abord une ingénierie : précision, logique, rigueur. Moins flamboyant que certains pénalistes, il symbolise l’excellence discrète, celle des techniciens dont dépendent les grandes décisions économiques.
Alexandre Varaut, la droite du barreau
Enfin, un nom s’impose du côté des sensibilités conservatrices : Alexandre Varaut, avocat parisien et figure intellectuelle proche du Rassemblement national. Fils de l’historien Jean-Marc Varaut, qui fut lui-même défenseur de Maurice Papon, il incarne aujourd’hui un courant assumé du barreau de droite. Conseiller, essayiste, et parfois polémiste, il mêle rhétorique juridique et discours identitaire.
Sa présence dans les médias comme dans les instances professionnelles fait de lui une figure singulière : celle d’un avocat qui revendique l’ancrage idéologique comme une composante de la défense. Pour ses adversaires, il brouille la frontière entre droit et politique ; pour ses partisans, il redonne à la profession une voix « engagée ».
Un barreau aux mille visages
Ces six avocats ne partagent ni les mêmes méthodes ni les mêmes convictions, mais tous ont en commun d’avoir fait de leur pratique un lieu d’influence. La justice, dans leurs mains, n’est plus seulement une institution : elle devient un champ de forces, un espace d’affrontement des valeurs et des récits.
À travers eux, on lit les tensions d’une époque : entre morale et pouvoir, entre technique et conviction, entre indépendance et stratégie. En cela, le barreau français reste fidèle à lui-même : un miroir de la République, avec ses vertus, ses contradictions et ses zones d’ombre.
Arnaud Francklin, Chroniqueur Judiciaire
